TRAIT D’UNION, Petit traité sur l’entre deux, épisode 9: Bien-venue

Dire la bien-venue est un signe d’hospitalité, affirmer que celle ou celui que nous accueillons est réellement la bien venu·e, le bien venu. Il fut un temps cependant où pour être accueilli dans un groupe, il convenait de « payer » sa bienvenue, en quelque sorte de la mériter. Cet usage se retrouve aujourd’hui encore dans certains groupes ou corporations sous forme de bizutages, parfois humiliants ou dégradants. Comme si la grâce d’un accueil joyeux était impossible sans contre-partie : sans un tribut, les bienvenus demeurent des mal-venus. C’est ainsi que trop souvent nous tordons le sens des mots !

Bien heureusement en français, l’hôte peut être à la fois la personne qui reçoit, ou alors celle qui est accueillie. Ce double sens est parlant dans la mesure où il accentue une réciprocité dans la bienvenue et l’hospitalité. C’est tout autant un bienfait d’être visité que d’être accueilli et cela se passe dans une simultanéité qui n’a pas forcément besoin de se reproduire à l’inverse pour être validée.

Un jour une personne fort cultivée pose à Jésus la question : « Qui est mon prochain ? ». Par la parabole dite du « Bon Samaritain »[1] Jésus inverse la question en demandant à son interlocuteur : « De qui voudras-tu bien être le prochain ? ». Au contraire des religieux qui passent « à bonne distance », le Samaritain de la parabole s’approche de l’homme blessé. De son côté l’homme blessé accueille celui qui lui offre son aide, ce qui n’est pas forcément évident puisqu’il s’agit d’un exclu, voire d’un ennemi ! Ils deviennent donc proches l’un pour l’autre, ils s’accueillent mutuellement sans même une parole et vivent ainsi pleinement la bien-venue,

L’accueil de l’autre, toujours différent, est au cœur de bien des débats, hier comme aujourd’hui. Dans un des plus anciens récits bibliques, Abraham et son neveu Loth accueillent à portes et à cœurs ouverts trois inconnus. En revanche les habitants de Sodome, la riche ville où résident Loth et sa famille, s’opposent à leur accueil et cherchent à les tuer.[2] L’accueil ouvre sur une promesse de vie, le rejet des autres est mortifère : il entraine l’autodestruction des sociétés et des relations humaines, le déchainement de toutes sortes de violences et de massacres, comme hélas nous le voyons dans tant de guerres fratricides actuellement.

N’oubliez pas l’hospitalité ; car en l’exerçant, quelques-uns ont logé des anges, sans le savoir écrit l’auteur de la Lettre aux Hébreux.[3] Quelle magnifique invitation à changer notre regard, à bannir nos peurs et à faire tomber les murs de haine dans nos vies personnelles, dans nos engagements communautaires, sociaux ou politiques.

Grâce à la démarche œcuménique, puis au dialogue interreligieux, les communautés religieuses ont peu à peu appris à accueillir les richesses des unes et des autres, à chercher ce qu’elles pouvaient vivre et réaliser ensemble. L’hospitalité eucharistique n’est pas encore acquise partout chez les chrétiens, le fait de prier ou méditer ensemble avec des croyants de traditions religieuses différentes, voire des gens sans appartenances religieuses, se heurte aussi à des questions et parfois à des résistances qu’il faut apprendre à surmonter intelligemment. De nombreux signes d’ouverture existent cependant et font que la bien-venue se vit dans la confiance et dans le respect des sensibilités des un·e·s et des autres.

A suivre…


[1] Luc 10. 13-27
[2] Genèse 18 et 19
[3] Hébreux 13.2