En tant que pro-testant, je me suis souvent posé la question de savoir ce que pouvait être la pro-testation à laquelle je peux m’identifier. Aujourd’hui on a plutôt tendance à protester contre quelque chose. A l’origine, il s’agit d’être témoin devant ! Changement de perspective qui m’invite non pas à être dans une attitude d’opposant, mais dans une posture de celle ou celui qui atteste de ce qu’il croit en se tenant devant, debout, face à d’autres ou à la réalité, appelé à rester un veilleur éveillé. Pour, comme le dit le livre d’Esaïe, avertir de la nuit qui trop souvent tombe sur notre monde. Pour dire aussi l’espérance toujours possible de l’aube d’un nouveau jour lorsqu’on se laisse atteindre par une parole véritablement revigorante [1].
Aujourd’hui celle ou celui qui veut pro-tester, doit pourtant veiller à bien témoigner devant et non pas derrière les rumeurs, les fausses nouvelles entendues ou transmises sur les réseaux sociaux ou par des augures plus ou moins bien intentionnées au service de diverses idéologies. Ni à se laisser emporter par ses émotions, ou se contenter de généralisations ou de simplifications trompeuses. Celles-ci sont souvent causes de discriminations ou d’exclusions empêchant tout dia-logue constuctif.
Ce dont le monde a besoin, c’est d’artisanes et artisans dont le désir profond est d’être responsables solidaires d’une terre où puisse régner la justice et la paix, une terre dépolluée de tout ce qui l’asservit, la détruit et la rend inviable. Jésus de Nazareth, tout en disant que ce règne n’était pas de ce monde, nous appelle à le chercher premièrement ![2]
Ces pro-testants, artisanes et artisans de paix se trouvent dans divers milieux, quelles que soient leurs appartenances religieuses ou leurs convictions. Ils ont aussi en commun le refus du recours à violence, car pour ces résistant.e.s en aucun cas la fin ne justifie les moyens. Ce ne sont pas des naïfs ou des bisounours ! Lorsqu’ils se trouvent dans des zones de tensions ou de conflits, ils prennent des risques. Ils ne cherchent pas à s’exclure, mais leur présence parfois dérange et ce sont eux qui sont exclus. Mais portés par leur espérance, ils ne se découragent pas. Ils restent convaincus qu’ils ne peuvent pas forcément faire de grande chose, mais qu’ils peuvent faire de petits choses avec un grand amour[3]. Et peut-être un jour We shall overcome comme le chantait Martin Luther King et la foule qui marchait à ses côtés pour les droits civiques.
Pro-tester non seulement devant le monde, avec des hommes et des femmes portés par l’espérance de justice, de paix et d’amour, mais aussi, comme l’écrit Jacques Ellul, même protester devant Dieu;
Quand Dieu se tait, il faut le forcer à parler. Quand Dieu se détourne, il faut le forcer à revenir. Quand Dieu semble mort, il faut le forcer à être. Et cela pourra prendre forme dans l’appel angoissé, la plainte, la lamentation, la prière de repentance. Et cela pourra prendre forme dans l’audace, dans la protestation, dans la violence contre Dieu, dans l’accusation. Tous les moyens sont bons pour l’espérance, dans son refus que Dieu soit absent.., L’espérance c’est protester, devant ce Dieu qui nous laisse sans miracles et sans conversions, qu’il ne tient pas sa parole. Ce n’est donc nullement une douce et paisible confiance que les choses vont s’améliorer, que cela va changer : c’est une véritable mise en accusation de Dieu au nom de la parole de Dieu… [4]
A suivre
La photo en exergue est une fresque réalisée lors de la Servette contre le racisme 2019
[1] « Veilleur, où en est la nuit ? » (Es 21, 11) Francis Guibal, Inquiétudes humaines et vigilance spirituelle in Études théologiques et religieuses 2012/4 (Tome 87), pages 421 à 444 www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-4-page-421.htm
[2] Matthieu 6.33
[3] Mère Teresa
[4] L’Espérance oubliée, pp 174-177