Une exposition pour susciter la curiosité, l’étonnement et le dialogue. C’est ainsi qu’Elie Barnavi, concepteur de l’exposition « Dieu(x), modes d’emploi », précise l’objectif du parcours actuellement proposé à la Halle 7 de Palexpo. Cette présentation pour le grand public a ses limites, mais comme j’ai déjà eu l’occasion de faire cette visite à plusieurs reprises avec des groupes de divers âges, je peux assurer que cet objectif est bien atteint grâce à l’approche anthropologique et transversale qu’elle propose.
Comme cela est écrit dans le catalogue, une telle exposition se justifie parce qu’en Europe, que nous soyons croyants, agnostiques ou athées, nous avons tous pris l’habitude de vivre dans des sociétés largement laïques. Parce que la sécularisation des esprits et des institutions s’est accompagnée d’une grande ignorance du fait religieux, et que cette ignorance est source de peur et d’agressivité. Et parce que nous sommes confrontés à un fait nouveau : les villes d’Europe sont devenues le creuset des religions du monde. Cette rencontre n’est pas facile. Croyants, nous connaissons notre propre religion, très peu celle des autres ; non-croyants, nous avons tendance à ne voir dans la résurgence du religieux que ses aspects les plus inquiétants…. (Elie Barnavi et Benoît Remiche, p.12-13)
Ce que cette exposition met avant tout en évidence, ce ne sont pas les théologies ou les doctrines mais bien les diverses pratiques communautaires et personnelles . Sans cacher les dérives possibles, le parcours nous invite à reconnaître aussi ce qui rassemble ces pratiques en lien avec les aspirations ou besoins auxquels elles apportent des supports dans les différents contextes où elles se vivent.
L’exposition fait ressortir le rôle positif que peut jouer la laïcité dans un Etat de droit en évitant des confusions entre les pouvoirs tout en garantissant la liberté de conscience, de pensée et de religion. Mais c’est bien l’Etat qui est laïc et pas la société ! C’est le service public qui doit garantir la neutralité de l’Etat sans que celan’ empêche l’expression et la manifestation des convictions personnelles dans l’espace public en respectant la liberté des autres.
Cette laïcité de l’Etat ne doit pas justifier l’ignorance. Bien au contraire elle doit nous encourager à découvrir la richesse d’une diversité reconnue et respectée, à ne pas en rester à des stéréotypes ou à des explications simplistes du monde, de l’histoire et du rôle des religions. Comme le décrit le sociologue Daniel Verba dans son livre « Anthropologie des faits religieux dans l’intervention sociale » (IES- éditions), beaucoup d’intervenants sociaux considèrent aujourd’hui que le référentiel religieux auquel ils sont confrontés, constitue un obstacle à l’accompagnement d’aide ou de soin. Ceci souvent parce que, sous couvert de laïcité, le sujet a été cantonné à la sphère privée. Ils se trouvent alors dépourvus d’outils leur permettant de prendre aussi en compte cet aspect de la réalité du vécu des personnes qu’ils accompagnent. Et de ne pas seulement considérer les risques ou les obstacles que les convictions et les appartenances peuvent comporter, mais aussi les ressources qu’elles peuvent offrir à une personne dans sa recherche de solutions ou dans son questionnement existentiel.
Pour ces diverses raisons, l’exposition « Dieu(x) modes d’emploi » offerte gratuitement au grand public est une belle occasion, comme le dit Régis Debray dans la postface du catalogue de l’exposition, de commencer à combler un déficit de culture car, écrit-il. «aujourd’hui c’est cette absence de culture religieuse qui est grosse de tous les dangers… »