Lorsque l’ange paraît

Dans le film de Wim Wenders « Les ailes du désir », les anges circulent parmi les êtres humains. Ils les observent, entendent leurs monologues intérieurs, et sourient aux enfants qui sont les seuls à remarquer leur présence. Un de ces enfants, assis sur le bord d’un trottoir, est habité par les questions du magnifique poème de Peter Handke « Lorsque l’enfant paraît ».

Nous vivons dans un monde dont les anges sont exclus. Même les enfants ne les voient plus à cause de leurs regards déjà captivés par leurs écrans. Quels peuvent être aujourd’hui ces « envoyés » (c’est le sens du mot « anges ») qui peuvent encore nous visiter sous la forme d’une rencontre, d’une lecture, d’un sourire, d’un rêve ou d’un souffle venu d’on ne sait où ?

Dans son Petit traité de spiritualité au quotidien, le moine Anselm Grün, évoque une cinquantaine d’anges qu’il nous invite à reconnaître dans le quotidien de nos vies. Parmi ceux-ci, l’ange du départ. Un ange qui va nous aider à rompre les barrages intérieurs, à passer de la fermeture à la disponibilité, à abandonner les vieilles habitudes et les acquis dépassés. Il nous encourage à partir vers de nouveaux modes de vie, vers d’autres phases de notre existence. Il y a aussi l’ange du risque, celui du courage, de la liberté, mais aussi ceux du renoncement, de la lenteur  et du deuil. Et encore l’ange de la patience, de l’ouverture et de la légèreté pour n’en citer que quelques-uns.

Je me suis laissé arrêter par l’ange de l’harmonie qui peut nous apprendre  à rapprocher et  rassembler toutes les oppositions que l’on porte en soi. Il s’agit d’en prendre conscience et de les admettre ; alors, on n’en est plus déchiré. Il s’établit une relation entre les contraires ; chaque corde doit pouvoir rendre le son qui lui est propre, et c’est ainsi que naît la consonance, l’harmonie intérieure, l’accord avec tout ce que l’on est.

Et hier j’ai fait la connaissance de l’ange des chiens dont parle Erri De Lucca dans son livre Le plus et le moins. Un jour un chien abandonné le rencontre et bénéficie de son aide. Il l’interroge alors sur le pourquoi de sa présence. Et il a répondu que c’était sa mission. Il avait des ailes pour ça, pour attirer les regards des créatures vers le ciel. Il apprenait à s’adresser en haut quand le bas nous abandonne. « Tu as regardé en haut, c’est pour ça que je suis descendu. Si tu avais gardé les yeux à terre, je n’aurais pas pu. Je viens seulement chez ceux qui ont besoin de ciel. » (p.141)

Le chien ne savait pas vraiment qu’il en avait besoin, mais il avait les yeux en quête d’un simple nuage de pluie dans la chaleur étouffante de l’été. Qu’est-ce qui aujourd’hui pourrait nous faire lever les yeux pour que descende l’ange de la paix dont nous avons tant besoin ! Pas pour qu’il la fasse à notre place, mais pour qu’il nous aide à délier nos peurs et nos haines.

Peut-être faudrait-il aussi qu’il soit accompagné par l’ange de la guérison dont Anselm Grün dit qu’il peut faire  de nos blessures un bien de grande valeur comme l’a dit Hildegard de Bingen. Car là même où j’ai  été blessé, je suis ouvert à ceux qui m’entourent ; je peux alors écouter avec sensibilité quand ils parlent de leurs propres blessures. C’est là que je deviens le plus vivant ; que j’entre en contact avec moi-même, avec mon être le plus vrai. Et cette ouverture du cœur conduit sur des chemins de paix.