Dans son interview parue dans LE COURRIER le 17 novembre 2010, Madame la Conseillère Fédérale Simonetta Sommaruga affirme qu’en matière d’intégration des étrangers la Suisse n’est pas assez exigeante, qu’elle n’a pas su imposer, en particulier aux femmes migrantes, l’apprentissage de la langue ou le suivi d’une formation professionnelle.
En tant que président de CAMARADA, association qui œuvre depuis plus de 25 ans à Genève dans ce domaine en particulier auprès des femmes migrantes, je souhaite faire remarquer à Madame Sommaruga et aux personnes qui partagent son analyse que CAMARADA, comme d’autres lieux similaires en Suisse, doivent refuser chaque année un grand nombre de femmes qui aimeraient bénéficier des formations et des cours de langue que nous organisons à leur attention.
Il y a donc une certaine hypocrisie, de la part des autorités qui parlent beaucoup de la nécessité d’une meilleure intégration, de ne pas voir que la motivation existe chez les personnes concernées mais que les moyens manquent pour les associations qui ont les compétences de les accompagner dans leur volonté de faire ces apprentissages.
Rien qu’à Genève, CAMARADA pourrait ouvrir un ou deux centres supplémentaires pour compléter celui de la Servette qui accueille déjà près de 800 femmes par année dans ses diverses activités. Sans compter la prise en charge de leurs enfants en âge préscolaire pendant leur temps de formation.
La commune de Meyrin a, avec notre collaboration, créé il y a quelques années sur son territoire le CEFAM qui est aussi un lieu d’accueil et de formation pour les habitantes migrantes de cette région. CAMARADA organise par ailleurs, avec le soutien des communes concernées, des cours et des formations au Lignon, aux Trois-Chênes et à Carouge.
Dans ces projets, des équipes avec de nombreuses personnes bénévoles très compétentes, formées et encadrées par une équipe de formatrices responsables salariées et certifiées, permettent de fixer et d’atteindre des objectifs adaptés à la population que nous accueillons. Nous pouvons travailler à partir de leurs motivations et de leurs ressources, même lorsqu’il s’agit de personnes qui ont été peu scolarisées ou sont analphabètes.
A notre avis, les contraintes envisagées, par exemple sous forme de « contrats d’intégration », sont inutiles et contreproductives. Ce qui est prioritaire, dans notre canton en particulier, c’est que le Bureau de l’intégration des étrangers et les associations qui travaillent dans ce domaine reçoivent les soutiens indispensables pour répondre aux besoins qui sont connus afin qu’aucune personne ne doive être refusée ou placée sur des listes d’attente démotivantes lorsqu’elle souhaite entreprendre une telle formation.
Encore un mot pour rappeler que l’intégration est interactive et non à sens unique comme on le laisse trop souvent entendre actuellement. Pour permettre une réelle intégration, il convient que la population déjà établie dans notre pays apprenne aussi à mieux connaître et reconnaître les nouveaux venus et sache les accueillir avec respect. Il y a aussi beaucoup à faire si nous voulons parler d’une vraie intégration et ne pas en revenir à une assimilation camouflée sous un terme plus politiquement correct.
Maurice Gardiol, Président de l’Association CAMARADA